vendredi 5 février 2010

Une musique plus forte et de qualité moindre



Avez-vous déjà prêté attention à cette bouillie sonore vomie par les radios et dans les bars-restaurants ? Avez-vous perçu cette différence de niveau sonore et de qualité acoustique d'une même chanson entre votre chaîne hi-fi et votre station FM préférée ?


Non, vous n'êtes ni ringard ni trop vieux : depuis une vingtaine d'années, la musique est effectivement enregistrée et diffusée à un volume de plus en plus élevé. Les ingénieurs du son et les directeurs des radios commerciales tiennent à ce que « ça claque un max » dans les micro-chaînes hi-fi, dans les autoradios, dans les ensembles bi/tri/quadri-phoniques (pour ordinateurs) et dans les baladeurs numériques.

La méthode utilisée à cette fin par les ingénieurs du son est appelée « compression dynamique » : lors de la post-production, les plus hautes et les plus basses fréquences d'une piste musicale sont ramenées vers un niveau moyen ou médian. D'où un « volume relatif » - la zone intermédiaire entre les extrêmes – qui sera au final plus élevé que celui initial.

Lors de sa diffusion en FM, la même chanson déjà numériquement compressée sera traitée en temps réel par un DSP (ou processeur de son numérique, nettement plus sophistiqué que celui de votre chaîne hi-fi ou de votre lecteur multimédia préréglé en mode rock, techno, jazz ou classical) qui lui donnera une sonorité à la fois très dense et légèrement explosive, hautement appréciée par les radios commerciales et par leurs annonceurs publicitaires. La preuve par l'inoubliable tube « In Da Club » du rappeur 50 Cent.

Motif : à la maison ou sur la route, l'auditeur souhaitant se changer les idées positionne plus souvent son tuner sur une station FM diffusant à un volume élevé... C'est un tantinet plus vrai pour un auditeur mâle âgé de 15 à 40 ans. Est-ce l'âge de la grandeur des folies ?


Niveau sonore de plusieurs tubes de 2003 à 2009. NPR Media


Selon le vétéran Bob Ludwig de l'ingénierie du son, la loudness war a commencé en douceur avec les disques vinyle 45 tours car les technologies analogiques de l'époque étaient beaucoup plus restrictives que celles numériques qui émergèrent à la fin des années 70. Dès l'apparition du CD au milieu des années 80, la quête perpétuelle du tube et la course incessante aux hit-parades (Top 50, Billboard, Top of the Pops, etc) radicalisèrent cette guerre du volume.



À l'ère du MP3, la qualité sonore de la musique a été peu ou prou nivellée par le bas, notamment par rapport au CD offrant tout de même une incontestable clarté acoustique. Par ignorance et/ou par souci d'économiser de la mémoire (baladeurs, smartphones), les audionautes optent trop souvent - au téléchargement ou à la conversion du CD - pour des chansons compressées à 128 ko/s ou 192 Ko/s. Sachant cela, les ingénieurs du son ont réajusté leurs réglages, d'où une guerre du volume devenue systématique dans les productions pop, rock, Rn'B et metal (voir la vidéo ci-dessus)... et une impression régulière de fatigue ou de ras-le-bol à l'écoute de plusieurs tubes ou de quelques albums pourtant de très bonne voire d'excellente facture.

Au fait, qu'est devenu ce groupe mythique new-wave/electro des 80-90's nommé Art of Noise ?


En savoir plus :


  1. NPR Media : The Loudness Wars : Why Music Sounds Worse

  2. The Guardian : Come on, feel the noise

2 commentaires:

ZdI a dit…

Bien vu et comme toujours intéressant.

Désormais certains groupes utilisent (exactement) les mêmes techniques de compression que les radios, pour donner plus de "punch" à leurs albums. Pour exemple, Daft Punk aurait travaillé un peu avec les ingénieurs de NRJ pour affiner leur technique en la matière.

(Le noise/post-noise n'est pas mort)

Anonyme a dit…

Oui, c'est vrai, c'est pénible et ça fausse l'oreille en supprimant les subtilités et les nuances.

Un horreur!