« […]
Le miracle cinématographique indien résulte aussi d’une volonté
politique. Après l’indépendance, Nehru a encouragé le
développement du cinéma hindi afin de fédérer un pays éclaté en
28 États fédérés et une multitude de langues et de cultures. Ce
qui avait été accompli par Hollywood à l’égard de la nation
américaine devait trouver son répondant en
l’Inde, alors déjà riche d’une bonne structure de production.
[…] Et de fait, sous les atours du divertissement et des films «
masala » (un film composé de diverses épices : scénario,
musiques, danses et chansons), ce sont les valeurs traditionnelles de
l’Inde, notamment l’idéal de la famille indienne, et les
intrigues sentimentales qui la traversent, qui ont été promues.
[…]
Cet ancrage dans une culture locale traditionnelle subsiste dans de
nombreux films. Parallèlement, l’industrie indienne a su
s’articuler économiquement au cinéma-monde et développer des
films, souvent d’auteur, capables de coller à la modernisation
culturelle de la société indienne. Une ère qui succède au
Bollywood des origines se concrétise par l’émergence de
thématiques nouvelles: l’homosexualité, la jeunesse en quête
d’émancipation par rapport à la pression de la famille indienne,
la question des castes et de la pauvreté extrême, la question de
l’exploitation des domestiques. […] Au
final, Bollywood, avec ses artifices, son exotisme, sa folie et
parfois sa profondeur sociale, fournit une identité à une nation,
élabore une construction imaginaire à laquelle des millions
d’individus, même s’ils n’ont jamais vu un film indien,
peuvent s’attacher. Un exemple magistral de soft power.»