En
veille ou en communication, votre Android/iPhone en mouvement
constitue une formidable aubaine pour le Big Data et sera l'un des
principaux facteurs de réinvention des modes de vie et de
l'environnement urbain... au détriment de votre vie privée.
Ce
n'est guère un hasard si l'opérateur américain Verizon Wireless et
celui espagnol Telefonica ont crée respectivement Precision Market
Insights et Telefonica Dynamic Insights, divisons internes exerçant
à la fois dans la science des données (data science),
l'infovisualisation et les études marketing; et chargées de
prospecter (data mining) et méta-analyser (meta-analysis)
les données des mobinautes à partir de leurs communications
(appels, SMS, emails, Twitter, Facebook, Instagram, etc) et de leurs
déplacements géographiques indiqués en temps réel par leurs
mobiles constamment triangulés et géolocalisés. Nul doute que de
nombreux opérateurs télécoms, fort d'accords de partage de données avec les infomédiaires et les réseaux sociaux (Google, Yahoo!, Microsoft, Apple, Facebook, Linkedin, etc), leur emboîteront le pas.
Il
ne s'agit pas seulement d'établir une démographie ou une typologie
des mobinautes mais aussi de connaître comment ils viennent de X
lieu et vont à Y endroit en fonction de leurs horaires, de leurs
communications et de leurs activités en ligne. Savamment corrélées par des algorithmes complexes, ces métadonnées mobiles sont une
véritable mine d'or pour le marketing, la publicité, la gestion des
urgences, l'urbanisme, la géographie, les sciences sociales et la
recherche médicale, pour ne citer que ces domaines.
En
Côte d'Ivoire, la municipalité d'Abidjan a retracé et amélioré
son réseau de transport urbain grâce aux services d'IBM qui a
prospecté et méta-analysé
les données de plus cinq millions de mobinautes. Des scientifiques
de l'Université de Birmingham ont également exploité des données
mobiles afin de
finement analyser
la propagation d'une épidémie.
Dans
les deux cas, l'identité des mobinautes en mouvement demeurait
inconnue mais chacun d'eux générait une « empreinte mobile »
très particulière et donc unique.
À
partir d'une étude du MIT et de l'Institut Catholique du Louvain
titrée Unique in The Crowd
(Unique dans la foule), le professeur de mathématiques Thierry
Berthier avait
expliqué que même
anonymé, l'utilisateur
régulier d'un réseau de téléphonie mobile, d’un site de vente
en ligne ou d'un réseau social « transfère
vers le système,
volontairement ou non, une
quantité d’informations qui, croisées entre elles finissent par
abolir complètement l’anonymat initial. [...]
Nos traces de
mobilité sont globalement uniques et qu’il ne faut pas espérer
passer inaperçu en tant qu’utilisateur d’un réseau de
téléphonie. »
Ainsi,
chaque fois que vous partagez une photo prise avec Instagram sur une plage espagnole ou
envoyez un SMS/tweet depuis un centre commercial en toute innocence, vous
approvisionnez le Big Data en métadonnées précieuses et en dites plus long sur vous que quiconque.
Selon
Viktor Mayer-Schönberger et Kenneth Cukier, respectivement
professeur à l'Oxford Internet Institute et responsable des données
pour le magazine The
Economist, co-auteurs de A Big Data - A Revolution That Will Transform How We Live, Work; and Think,
« ces
scénarios, nous permettent de voir que les prédictions issues des
Big Data, des algorithmes et des ensembles de données derrière eux,
vont devenir des boîtes noires nous offrant ni responsabilité, ni
traçabilité ou confiance. Pour éviter cela, les Big Data vont
nécessiter une surveillance et une transparence, qui a leur tour va
nécessiter de nouvelles formes d'expertises et d'institutions. De
nouveaux acteurs vont être appelés à fournir un soutien dans les
domaines où la société aura besoin d'examiner des prédictions
issues des Big Data et permettre aux personnes qui se sentent lésées
par elles de demander réparation.[...]
A l'ère du Big Data, les trois principales stratégies qui
assuraient la protection de la vie privée - à savoir le
consentement préalable, l'opt-out et l'anonymisation – sont
dépassées. [...] une
grande partie de la valeur des données nait d'utilisations
secondaires qui peuvent avoir été inimaginables lorsque les données
ont été recueillies, ce qui signifie que le mécanisme de
"notification et de consentement" pour assurer la
confidentialité n'est plus adapté. »
Auriez-vous entendu parler de ce vestige archéologique appelé "vie privée" ? Si oui, retirez la batterie de votre smartphone et disparaissez dans la foule connectée.
En
savoir plus :
- Alliance Géostratégique : L'illusion de l'anonymat (Thierry Berthier)
- Internetactu : Big Data : nouvelle étape de l’informatisation du monde
2 commentaires:
Minority report, le type qui à écrit le livre était un sacré visionnaire. :O
En effet, chapeau à Philip K.Dick !
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