Du
MP3 à iTunes/Amazon en passant par le peer-to-peer et les logiciels
de MAO (musique assistée par ordinateur), la disruption
technologique transforme chaque jour l'industrie musicale et atteint
désormais la production et la post-production qui basculent dans le
cloud. Explications.
La
première étape de production d'un album musical est la prise son.
Elle se déroule dans un studio professionnel et consiste à
enregistrer séparément les sessions audio des différents musiciens
(chanteur, choeurs, guitaristes, batteur, DJ, etc) dans un disque dur
de plusieurs centaines de gigaoctets. Autrefois et jusque dans les
années 1980, ces enregistrements s'effectuaient sur des bandes
magnétiques jalousement bichonnées, qui furent ensuite remplacées
par des enregistrements direct-to-disk,
lourdauds ancêtres de nos actuels disques durs USB dont l'industrie
musicale fut parmi les premières bénéficiaires. Le direct-to-disc fut mis au point par la société New Digital
England Corporation (NEDco) et intégré à ses synthétiseurs
Synclavier qui pouvaient enregistrer des pistes mono en 16 bits.
La
seconde étape est celle du mixage : les différentes sessions audio
enregistrées dans la première étape sont configurées et
harmonisées - conformément aux compositions originales - dans un enregistrement multi-piste par des ingénieurs du son.
La
troisième étape est celle de la masterisation (ou mastering)
: chaque titre est « traité et raffiné » afin de
produire un rendu sonore optimal et d'obtenir une qualité d'écoute
homogène sur tout l'album grâce à la normalisation, la
compression, l'égalisation, la spatialisation, la
limitation et le boosting, notions parfaitement connues des
passionnés et des professionnels de la MAO.
NB
: De temps à autre, vous apercevez la mention « digitalement
remasterisée » sur des couvertures CD d'albums enregistrés
en analogique (avant les années 1980) et diffusés sur cassette
audio ou sur disque vinyle. Depuis les années 1990, les classiques
du jazz, du blues, de la soul, du rock et de la musique classique sont soumis à une remasterisation consistant à supprimer le bruit de
fond inhérent aux supports analogiques – notamment la bande
magnétique – et à offrir un rendu final plus compatible avec les
standards numériques.
Dans
l'industrie musicale, la prise de son, le mixage et la
(re)masterisation sont de véritables opérations chirurgicales et cosmétiques qui
font très souvent appel à des studios spécialisées dans chaque
activité, et à leurs « ingés son » accumulant
plusieurs décennies d'expérience et versés dans certains styles
musicaux plutôt que dans d'autres.
Afin
de prodiguer un « effet techno » aux percussions de ses
albums Trailer Park, Central Reservation et Daybreaker,
la chanteuse folk Beth Orton s'est adressée aux ingénieurs du son
de Chemical Brothers (électronique) et est devenue une
figure marquante du folktronic. Ses percussions denses,
chaudes, quasi explosives, nappées de d'instrumentations pop-folk à
la fois aériennes et intimes, sont immédiatement
perceptibles lors d'une écoute avec un autoradio, une chaîne hi-fi
ou un baladeur, et surcroît très appréciées par les stations FM
avides de « gros sons ».
La
production et la post-production (prise de son, mixage,
masterisation) d'un album sont une saignée financière pour le jeune
talent qui, à défaut d'être repéré, appuyé et financé par un
label (big ou indie),
doit payer de sa poche des studios facturant une journée à
plusieurs milliers d'euros/de dollars.
Ce
ne sera plus le cas avec LANDR.
Ce service en ligne de masterisation repose sur un algorithme
sophistiqué d'apprentissage automatique (learning
algorithm) développé à partir
d'une analyse instrumentale de plusieurs milliers de titres (aux
styles musicaux très diversifiés) et d'une étude approfondie menée
auprès d'une centaine d'ingénieurs du son. Loin d'un procédé
générique peu ou prou primaire, LANDR implémente une masterisation
personnalisée à chaque titre, en fonction de plusieurs paramètres
souhaités par l'artiste. Tarifs : de 9 à 19 dollars par mois.
Formats : WAV, MP3.
Les ingénieurs du son hurleront certainement à l'hérésie et dénonceront cette masterisation dans le cloud qui, à ce jour, ne vaut guère une masterisation en studio. Toutefois, LANDR est le pionnier d'une production musicale adaptée à des Millenials (ces « nâtifs du numérique » nés dans les années 1980 et entrant massivement dans leur trentaine) qui ont délaissé le CD et les amplis Technics/Yamaha/Pioneer au profit du MP3, des smartphones Android/iPhone et des docks iPod. Un malheur ou un bonheur ne venant jamais seul, des services collaboratifs d'enregistrement et de mixage tels que Gobbler, Splice et Wavestack feront sûrement des émules et seront très prisés les « studionautes ».
Outre
ces applications disruptives, le processus intellectuel de création
musicale sera également bouleversé par des wearable tech
comme Google Glass. Ainsi, Young Guru identifie ou enregistre les titres et
sons perçus dans son environnement immédiat grâce aux lunettes Google et les mixe ensuite dans ses créations musicales.
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