Dix
ou quinze ans plus tôt, le profil de webdesigner faisait fureur
auprès des agences de recrutement et « en bouchait un coin »
auprès des camarades de party. Autrefois, la conception d'un
site Internet relevait d'un artisanat geek et nécéssitait de
réinventer la roue pour chaque client. (Mal)heureusement, une
combinaison de facteurs disrupteurs poussent ce métier vers la
préhistoire technologique à la vitesse TGV...
La
maturité des standards Web repose sur l'universalité ou la
standardisation des interfaces : solutions CMS, sites mobiles,
formulaires de connexion/d'inscription, paniers d'achats, widgets,
apps, etc. Consécutivement, la créativité dans le design Web a
autant de poids que l'innovation dans l'industrie des réfrigérateurs
ou des lave-linges et laisse donc très peu de place à la surprise.
La
monarchie quasi absolue du CMS. Les succès fracassants de
Wordpress, de Drupal, de Joomla et compagnie ont rapidement érodé
le design Web. Entre généralisation et dérivation, ces
plate-formes CMS (Content
Management System)
donnent la priorité à la création et à la mise en forme des
contenus et amoindrissent considérablement le casse-tête de la
conception et du développement. Quelques clics suffisent pour créer
et mettre à jour un site Web au style très professionnel /
commercial. Aujourd'hui, le webdesigner télécharge ou dérive des
templates (dans la myriade des thèmes Wordpress/Drupal/HTML5
disponibles), installe des plugins (Woocommerce, Paypal, SEO, WP
Better Security, etc) et retouche la photographie commerciale (vive
les banques d'images à gogo!) avec Photoshop/Lightroom ou The Gimp.
Moins de code, plus d'infographie.
En
voiture, à vélo, en randonnée, à la gare, à l'aéroport ou au
bar/restaurant, je photographie régulièrement et spontanément des
objets, des perspectives ou des scènes qui grossiront ma banque
personnelle d'images, subiront mes délires à la sauce Adobe et
finiront dans le thème Wordpress d'un client. Quelle déveine !
De
l'internaute au mobinaute. À l'ère où les tablettes et les
smartphones constituent plus de 75% des terminaux connectés, la
version mobile d'un site Web devient incontournable et doit offrir
une interface nettement plus épurée que la version PC. Dans ce
paysage, les animations Flash sont aussi lourdes que superflues :
ce n'est guère un hasard si Google, Apple, Facebook et Mozilla
bannissent le fameux plugin Adobe de leurs applications. Sur
iPhone ou sur Galaxy Tab, l'instantanéité et l'essentialisme sont
de mise : cont@ct, horaires, achats, réservations, commande,
paiement, Google Maps... et l'app Android/iOS/Windows qui va
avec. Un bonheur ne venant jamais seul, de plus en plus de templates
Wordpress/Drupal/HTML5 sont nativement adaptatifs (responsive)
aux écrans PC/tablette/smartphone ou assortis de leurs versions
mobiles.
Facebook.
Facebook. Facebook. L'ogre du
Web ne cesse d'élargir sa panoplie de solutions
virales comme l'abonnement aux mises à jour, le partage d'agendas
événementiels, l'intégration de vidéos et les boutons d'appel à
l'actions qui font concurrence aux pages Web a
fortiori lorsqu'un community manager optimise la
visibilité ou l'impact d'une marque sur Facebook, Twitter, Linkedin
et Google+.
L'intelligence
artificielle. Le principe :
l'utilisateur « uploade » ses contenus texte, images et
vidéos (via l'app Android/iOS/Windows ou l'extension Google Chrome)
vers cette plate-forme qui publie ensuite un site Web adapatif en 3
minutes avec la palette de couleurs adéquate et les images savamment
retouchées. La prise en main de l'application s'effectue avec des
sliders. Crée
pendant l'été 2015, The
Grid sonne le glas
du design Web et fera certainement des émules. Cette IA
dédiée au design Web
en apprend chaque jour un peu plus sur les préférences de ses
abonnés (plus d'une centaine de milliers à ce jour) afin de
suggérer ou d'implémenter les plus recommandables
modifications/améliorations (couleurs, mise en page, retouche
d'images, etc) sur leurs sites Web et de standardiser les mises en
page en fonction des secteurs d'activités, des thèmes, des codes
couleurs et divers paramètres. Tarif mensuel : 7 €, tarif
annuel : 85 €.
En
réalité, The Grid est autant une killer app férocement
disruptive pour le design Web et qu'une expérience utilisateur
conviviale et immédiate. Ce n'est qu'un début. Demain, les PME et
les particuliers créeront de superbes sites Web comme nous publions
sur Wordpress, Facebook ou Twitter. Le design Web dans sa splendeur
d'antan sera une niche réservée à de (très) gros clients
généralistes ou spécialisés (grande distribution, industrie,
recherche scientifique, gouvernements, banque/finance, assurances,
B2B, gestion en ligne, etc), mus par des besoins très particuliers
et donc soumis à des cahiers de charges très spécifiques et
faisant appel à une armada de développeurs et de designers.
Designer
UX
Le
design Web est certes mort mais le webdesigner a de beaux jours
devant lui, pour peu qu'il analyse sereinement la situation pour
mieux se réinventer ou élargir ses compétences.
En
effet, le design Web a considérablement influencé l'impression, la PAO, le
conditionnement (packaging), les interfaces logicielles et
matérielles. Il suffit de jeter un œil aux brochures infomerciales,
à la signalétique des centres commerciaux, aux emballages, aux
smartphones/tablettes et aux apps pour se faire une idée de
cet héritage... et de toutes ces routes qui mènent à Rome. À
l'ère des systèmes d'exploitation mobiles et des objects connectés,
les pages Web ne sont plus le cœur mais les éléments parmi tant
d'autres d'écosystèmes incluant les applications mobiles, les API,
les menus interactifs, la géolocalisation augmentée, les moteurs de
recherche, les services numériques à la clientèle, la
datavisualisation, les indications infomerciales dans le monde réel,
etc.
Dès
lors, la créativité n'est plus confinée au design Web mais s'étend
à l'expérience utilisateur (UXdesign : User Experience
Design) d'une marque, d'un produit, d'un service, d'un point de
vente et peut-être d'un ouvrage (livre, ebook, brochure, manuel,
etc). En outre, les objets 3Dimprimés et connectés ouvriront certainement d'immenses opportunités. Au final, il revient au webdesigner de muer en UXdesigner (ou
designer d'expérience utilisateur ?), profil qui sera abordé
dans mon prochain article.
Entretemps,
découvrez ce métier en regardant cette vidéo des UXdesigners Jose
Caballier & Chris Do et en lisant l'ouvrage gratuit Interaction
Design Best Practices: Mastering the Tangibles.
Francophones pur jus s'abstenir.
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