Préambule.
Après l’attaque
terroriste de San Bernardino (Californie)
qui fit 14 victimes en décembre 2015, le FBI mit la main sur
l'iPhone d’un djihadiste et demanda à Apple d'accéder aux
contenus chiffrés du smartphone. Mais la firme à la pomme refusa au
nom de la protection des données personnelles de ses clients. Entre
dilemmes cornéliens et pièges abscons dans une ambiance
claire-obscure, le Bureau et la Firme s'étaient engagés dans une
féroce bataille judiciaire
et médiatique passablement décryptée quelques
jours plus tôt sur ce blog.
Deux
jours avant l'audition des parties concernées par le procès de San
Bernardino, le FBI a requis l'annulation de la procédure judiciaire
sommant Apple de fournir son assistance au déchiffrement (en
développant un quasi système d'exploitation dédié, souvent
surnommé FBIOS ou GovtOS) du iPhone 5C incriminé.
Dans
sa
note adressée au tribunal fédéral de Californie, le
Bureau affirme « qu'une tierce partie a démontré [au
FBI] une méthode possible de déverrouillage de l'iPhone
de Farouk [un des auteurs de
l'attentat terroriste]. Un test est nécessaire pour
déterminer si cette méthode est viable afin de ne pas compromettre
les données sur l'iPhone de Farouk. Si la méthode est fiable, elle
devrait éliminer la nécessité d'une assistance d'Apple établie
dans l'All
Writs Acts [...] Le
FBI poursuivant ses propres recherches, et du fait de la publicité et de l'attention suscitées à l'échelle internationale par cette
affaire, des gouvernements étrangers ont communiqué avec le
gouvernement américain et offert des pistes de recherche possibles.
»
Quelle
tierce partie (un contractuel du FBI en informatique légale ou en
récupération des données, un pote et vétéran de la NSA) ou quel gouvernement
étranger aurait prêté main forte au Bureau ? Un enquêteur
fédéral aurait-il accidentellement déniché un post-it affichant
le code « admin1234 » du iPhone tant convoité ?
Dans tous les cas, le FBI devra fournir ses conclusions au tribunal à
la date du 5 avril 2016.
Parallèlement,
un groupe de sénateurs démocrates et républicains rédige
un projet de loi qui confère aux administrations
fédérales une autorité plus solide et plus lisible leur permettant
d'accéder aux données chiffrées via les entreprises
technologiques. S'agirait de contourner peu ou prou le CALEA à
l'ère du djihad pour iPhone / Android ?
Au-delà
du duel FBI-Apple, le gouvernement fédéral aurait-il été quelque
peu surpris par la fronde de la Silicon Valley contre ses desseins et
ses rugissements ? Préfère-t-il rétablir de bonnes relations
diplomatiques avec l'industrie technologique malgré un arsenal
juridique et administratif à quasiment toute épreuve ?
Cette
très probable conclusion judiciaire relève d'un
score nul pour le Bureau comme pour la Firme qui s'en tirent chacune à
bon compte : l'une peut poursuivre son enquête, l'autre
conserve la confiance de ses clients / utilisateurs.
Cette
affaire a également révélé la personnalité de Tim Cook qui
pâtissait lourdement de la figure mythique du feu fondateur et
prédécesseur Steve Jobs. Depuis l'affaire Snowden, l'actuel big
boss de la Firme milite
littéralement pour le chiffrement des terminaux et des solutions
cloud.
Au plus fort du bras de fer contre le FBI, il rencontrait
régulièrement
plusieurs membres du Congrès, assistait
à des réunions
avec la procureure générale (ou ministre de la justice) Loretta
Lynch, et s'est
même entretenu avec
le Pape François. En quelques années d'exercice, Tim Cook a
littéralement transformé Apple en monstre politique... et n'aurait
de facto
laissé que le non-choix de la confrontation médiatique et
judiciaire à James Comey. Le directeur du Bureau ne s'est pas trompé
sur cette Némésis qui
cite une déclaration
de Louis
Brandeis, juge à la
Cour Suprême en 1916-1939 :
«
Les plus grands dangers pour la liberté résident dans les
intrusions insidieuses d’hommes zélés, dotés de bonne volonté,
mais dépourvus de compréhension [...]
Dans ce cas, les motivations du gouvernement sont
compréhensibles, mais ses méthodes pour atteindre ses objectifs
sont contraires à la primauté du droit, au processus démocratique
et aux droits du peuple américain. »
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