Colonel
Gene Lee (US Air Force) : « ALPHA semblait être au
courant de mes intentions et réagissait instantanément à mes
changements de tactique et à mes déploiements de missiles. Elle savait
comment défaire mes moindres tentatives. Elle se déplaçait
instantanément entre positions défensives et offensives. C'est
l'intelligence artificielle la plus agressive, la plus réactive, la
plus dynamique et la plus crédible que j'ai observée à ce jour.
»
Psibernetix
est une start-up fondée et dirigée par Nick Ernest - diplômé en
ingénierie et sciences appliquées de l'université de Cincinnati,
appuyée par un panel d'experts en programmation-développement et en
aéronautique issus de cette faculté, et bénéficiant d'un
financement du Pentagone. Son produit phare nommé ALPHA est un outil
de recherche dédié au contrôle d'avions sans pilote et aux
opérations « MUM-T » (Manned Unmanned Teaming)
associant automates intelligents et pilotes humains en
simulation. Tel Mohammed Ali face à un poids plume, ALPHA a
toujours surpassé les intelligences artificielles de l'US Air
Force Research Lab... nettement plus abouties que votre
meilleur jeu vidéo de combat aérien.
Aux
yeux de Gene Lee, cette IA n'est qu'un superbe délire de
développeurs geek passablement abrutis par Top Gun, par
Playstation/Xbox et par des compilateurs sur écran noir. Ce colonel
à la retraite de l'USAF est diplômé de l'US Fighter Weapons
School, a accumulé des centaines de missions réelles en tant
que pilote ou coordinateur, exerce comme instructeur (Air Force
Battle Manager & Adversary Tactics Instructor) depuis les
années 90 et s'est également spécialisé dans la formation en
simulateur. D'une certaine façon, Gene Lee est à ses cadets ce que
Viper est à Maverick & Goose.
Il
était donc le mieux placé pour en découdre avec le Terminatrix du
ciel dans un exercice qui relève non pas du dogfight mais de
l'interception aérienne à moyenne/longue distance : plusieurs
escadrilles de chasseurs/bombardiers doivent détruire celles
adverses et protéger des espaces/territoires spécifiques grâce à
des tactiques, à des techniques et à des procédures, et
ce, sur la base d'une multitude d'informations obtenues par
leurs multiples radars et capteurs. Le pilote humain et son ennemi
virtuel reçoivent exactement les mêmes données, de surcroît
agrémentées de bruit aléatoire (parasites, défauts
d'identification, etc) et de dysfonctionnements avioniques afin
d'introduire une bonne dose de réalisme.
Après
plusieurs engagements, l'instructeur chevronné a été incapable de
venir à bout d'ALPHA, n'a jamais pu abattre un appareil ennemi, a
perdu chaque avion sous son contrôle et toutes les escadrilles sous
sa supervision... et est rentré chez lui « fatigué, épuisé
et mentalement harassé. »
«
J'ai été surpris par sa réactivité. ALPHA semblait être au
courant de mes intentions et réagissait instantanément à mes
changements de tactique et à mes déploiements de missiles. Elle savait
comment défaire mes moindres tentatives. Elle se déplaçait
instantanément entre positions défensives et offensives. […]
C'est l'intelligence artificielle la plus agressive, la
plus réactive, la plus dynamique et la plus crédible que j'ai
observée à ce jour. »
Forte de sa combinaison d'algorithmes
génétiques et de
logique
floue, ALPHA réagit
à la milliseconde, élabore une stratégie de combat 250 fois plus vite qu'un humain, et, pour couronner le tout, est parfaitement
opérationnelle sur un ordinateur de bureau (comme celui utilisé pour
l'exercice) ou sur un minuscule processeur low-cost
de type Raspberry Pi (à 30-40 euros/dollars). D'autres pilotes
expérimentés se sont frottés à cette IA et ont subi le même sort
que le colonel Lee.
N.B. :
En quelques mots réducteurs et assassins, les algorithmes
génétiques modélisent une « population de solutions »
ensuite sélectionnées et recombinées selon un modèle
évolutionniste jusqu'à fournir une solution adaptée. La logique
floue délaisse le principe du vrai/faux et repose sur un éventail
de règles évoluant entre « complètement vraies » et
« complètement fausses », d'où plusieurs degrés de
satisfaction d'une condition/proposition. Les premiers sont au cœur
de l'informatique décisionnelle (business intelligence), de
l'exploration de données (data mining), de l'animation 3D et
du jeu vidéo ; la seconde est au cœur de la météorologie, de
la sismologie, de la reconnaissance de formes, de l'aide au
diagnostic, de la gestion de la circulation routière, du contrôle
aérien, etc.
Pour
peu qu'ALPHA se révèle très prometteuse, elle sera un atout-maître
des futures configurations opérationnelles MUM-T associant machines
pilotées (par des humains) et machines intelligentes (et autonomes)
sur des théâtres d'opérations très réels, à l'image du récent
couple hélicoptère Apache & drone Shadow. Toutefois,
cette IA semble accessible (développement, acquisition,
exploitation, mise à jour, coûts, logistique) à n'importe quelle
grande ou petite puissance et fera certainement des émules
européennes, chinoises, russes, japonaises, israéliennes, indiennes
et consort. Du scénario de rattrapage technologique à la
confrontation militaire, les ingénieurs militech
et les états-majors seront d'autant plus
pressés ou tentés de mettre cette technologie en oeuvre et donc de
concevoir/déployer des appareils plus performants car affranchis de
leurs pilotes/opérateurs humains à la physiologie un peu trop
limitée.
Plus
besoin de cockpits, de pressurisation, de masque à oxygène, de
combinaison anti-g, de sièges éjectables, de gilets de sauvetage...
et encore moins de salaires ni de pensions de retraite. Des pilotes
humains ? Quelle horreur !
En
savoir + :
- Genetic Fuzzy based Artificial Intelligence for Unmanned Combat Aerial Vehicle Control in Simulated Air Combat Missions (Journal of Defense Management, PDF)
- En couple : le drone traque, l'hélicoptère frappe (Electrosphère)
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