vendredi 1 juillet 2016

En simulation, l'intelligence artificielle ALPHA écrase un colonel instructeur de l'US Air Force

Colonel Gene Lee (US Air Force) : « ALPHA semblait être au courant de mes intentions et réagissait instantanément à mes changements de tactique et à mes déploiements de missiles. Elle savait comment défaire mes moindres tentatives. Elle se déplaçait instantanément entre positions défensives et offensives. C'est l'intelligence artificielle la plus agressive, la plus réactive, la plus dynamique et la plus crédible que j'ai observée à ce jour. »



Psibernetix est une start-up fondée et dirigée par Nick Ernest - diplômé en ingénierie et sciences appliquées de l'université de Cincinnati, appuyée par un panel d'experts en programmation-développement et en aéronautique issus de cette faculté, et bénéficiant d'un financement du Pentagone. Son produit phare nommé ALPHA est un outil de recherche dédié au contrôle d'avions sans pilote et aux opérations « MUM-T » (Manned Unmanned Teaming) associant automates intelligents et pilotes humains en simulation. Tel Mohammed Ali face à un poids plume, ALPHA a toujours surpassé les intelligences artificielles de l'US Air Force Research Lab... nettement plus abouties que votre meilleur jeu vidéo de combat aérien.


Aux yeux de Gene Lee, cette IA n'est qu'un superbe délire de développeurs geek passablement abrutis par Top Gun, par Playstation/Xbox et par des compilateurs sur écran noir. Ce colonel à la retraite de l'USAF est diplômé de l'US Fighter Weapons School, a accumulé des centaines de missions réelles en tant que pilote ou coordinateur, exerce comme instructeur (Air Force Battle Manager & Adversary Tactics Instructor) depuis les années 90 et s'est également spécialisé dans la formation en simulateur. D'une certaine façon, Gene Lee est à ses cadets ce que Viper est à Maverick & Goose.

Il était donc le mieux placé pour en découdre avec le Terminatrix du ciel dans un exercice qui relève non pas du dogfight mais de l'interception aérienne à moyenne/longue distance : plusieurs escadrilles de chasseurs/bombardiers doivent détruire celles adverses et protéger des espaces/territoires spécifiques grâce à des tactiques, à des techniques et à des procédures, et ce, sur la base d'une multitude d'informations obtenues par leurs multiples radars et capteurs. Le pilote humain et son ennemi virtuel reçoivent exactement les mêmes données, de surcroît agrémentées de bruit aléatoire (parasites, défauts d'identification, etc) et de dysfonctionnements avioniques afin d'introduire une bonne dose de réalisme.

Après plusieurs engagements, l'instructeur chevronné a été incapable de venir à bout d'ALPHA, n'a jamais pu abattre un appareil ennemi, a perdu chaque avion sous son contrôle et toutes les escadrilles sous sa supervision... et est rentré chez lui « fatigué, épuisé et mentalement harassé. » 

« J'ai été surpris par sa réactivité. ALPHA semblait être au courant de mes intentions et réagissait instantanément à mes changements de tactique et à mes déploiements de missiles. Elle savait comment défaire mes moindres tentatives. Elle se déplaçait instantanément entre positions défensives et offensives. […] C'est l'intelligence artificielle la plus agressive, la plus réactive, la plus dynamique et la plus crédible que j'ai observée à ce jour. »

Forte de sa combinaison d'algorithmes génétiques et de logique floue, ALPHA réagit à la milliseconde, élabore une stratégie de combat 250 fois plus vite qu'un humain, et, pour couronner le tout, est parfaitement opérationnelle sur un ordinateur de bureau (comme celui utilisé pour l'exercice) ou sur un minuscule processeur low-cost de type Raspberry Pi (à 30-40 euros/dollars). D'autres pilotes expérimentés se sont frottés à cette IA et ont subi le même sort que le colonel Lee.

N.B. : En quelques mots réducteurs et assassins, les algorithmes génétiques modélisent une « population de solutions » ensuite sélectionnées et recombinées selon un modèle évolutionniste jusqu'à fournir une solution adaptée. La logique floue délaisse le principe du vrai/faux et repose sur un éventail de règles évoluant entre « complètement vraies » et « complètement fausses », d'où plusieurs degrés de satisfaction d'une condition/proposition. Les premiers sont au cœur de l'informatique décisionnelle (business intelligence), de l'exploration de données (data mining), de l'animation 3D et du jeu vidéo ; la seconde est au cœur de la météorologie, de la sismologie, de la reconnaissance de formes, de l'aide au diagnostic, de la gestion de la circulation routière, du contrôle aérien, etc.

Pour peu qu'ALPHA se révèle très prometteuse, elle sera un atout-maître des futures configurations opérationnelles MUM-T associant machines pilotées (par des humains) et machines intelligentes (et autonomes) sur des théâtres d'opérations très réels, à l'image du récent couple hélicoptère Apache & drone Shadow. Toutefois, cette IA semble accessible (développement, acquisition, exploitation, mise à jour, coûts, logistique) à n'importe quelle grande ou petite puissance et fera certainement des émules européennes, chinoises, russes, japonaises, israéliennes, indiennes et consort. Du scénario de rattrapage technologique à la confrontation militaire, les ingénieurs militech et les états-majors seront d'autant plus pressés ou tentés de mettre cette technologie en oeuvre et donc de concevoir/déployer des appareils plus performants car affranchis de leurs pilotes/opérateurs humains à la physiologie un peu trop limitée.

Plus besoin de cockpits, de pressurisation, de masque à oxygène, de combinaison anti-g, de sièges éjectables, de gilets de sauvetage... et encore moins de salaires ni de pensions de retraite. Des pilotes humains ? Quelle horreur !

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