Au
cours d'une intervention policière, le Major Motoko Kusanagi revêt
ses lunettes de réalité augmentée puis pénètre les réseaux
numériques et pirate les androïdes ennemis à volonté. Pas d'écran
noir. Pas de ligne de code. La « cyborgue » nipponne est
immergée dans un univers cyberpunk proliférant d'interfaces 3D
animées.
Source :
ProtectWise
Depuis
les années 1990, le manga Ghost In The Shell et les
« japanimations » éponymes sont l'inépuisable gisement
de la culture geek et du cinéma de science-fiction (Minority
Report, I-Robot, Terminator, Matrix, AI, Tron, etc).
L'œuvre
culte a grandement inspiré Scott Chaser, PDG et co-fondateur de
ProtectWise.
Cette société basée au Colorado (Etats-Unis) et spécialisée dans
la cybersécurité, a conçu une solution d'interfaces utilisateur
nommée Immersive Grid. Dans cet environnement virtuel, chaque
élément connecté d'une entreprise (serveur, PC, smartphone,
tablette, objet connecté, périphérique, etc) est représenté
comme un bâtiment à l'intérieur d'une ville virtuelle. Les
serveurs et terminaux de chaque département (marketing,
comptabilité, logistique, ressources humaines, etc) forment un
quartier ou une zone particulière au cœur d'une géographie
urbaine.
Une
multitude d'indicateurs renseigne sur la nature et l'activité de
chaque bâtiment : la forme pour le type de serveur / terminal /
périphérique, la hauteur pour le trafic IP, la largeur pour la
bande passante, la couleur (rouge ou orange) pour le niveau de risque
ou l'activité inhabituelle, et plusieurs
écrans texte et données.
Adieu fenêtres de terminaux, scripts shells et Python. Bienvenue dans Alerte Rouge – Surveiller et Punir !
Dans
la vision à long terme de Scott Chaser, les grandes entreprises
seront pourvues de war rooms virtuelles, explorées par des
analystes en cybersécurité, munis de leurs lunettes / casques de
réalité virtuelle à mi-chemin d'Oculus Rift, de Google Glass et de
Hololens.
Source :
ProtectWise
Grâce
à ces technologies combinant data visualisation et jeu vidéo, il ne
sera plus forcément nécessaire de maîtriser les détails
techniques des solutions de cybersécurité afin d'exercer dans les
premières lignes d'une industrie confrontée à une pénurie
chronique d'effectifs. De fait, la réalité virtuelle aura l'immense
mérite de faciliter tant l'accès aux métiers de la cybersécurité
que leurs pratiques quotidiennes, et ce, d'autant plus qu'elle
s'adresse à des générations d'utilisateurs nés et élevés aux
jeux vidéos, aux smartphones et tablettes Android/iOS.
Dans un environnement technologique mêlant serveurs, terminaux fixes / mobiles, objets connectés, objets portés (wearable), véhicules connectés, et peut-être villes intelligentes, les périmètres de sécurité deviennent de plus en plus complexes et poreux, et donnent de plus en plus de fil à retordre aux professionnels de la cybersécurité. Une vision quasi ludique et tridimensionnelle en temps réel des risques et menaces réduirait drastiquement les délais d'analyse, d'action et de réaction.
Cette
approche intuitive et conviviale de la cybersécurité est également
au cœur du projet Plan X. Lancé par le DARPA (l'agence
américaine de recherche militaire) en 2012, cet ambitieux programme
élabore des technologies innovantes de compréhension, de
planification et de gestion en temps réel des opérations offensives
et défensives dans le cyberespace.
Source :
DARPA
En
d'autres termes, Plan X fournit une topologie tridimensionnelle des
réseaux numériques et une interface de jeu vidéo aux hackers en
uniforme... qui navigueront dans le champ de bataille électronique
avec leurs lunettes / casques de réalité virtuelle et déclencheront
leurs cyber-armes sur leurs écrans tactiles (voir
la vidéo).
Expert
en cybersécurité au DARPA, Dan Roekler résume l'idée maîtresse
de Plan X : « Imaginez que vous jouiez à World of
Warcraft [ très populaire jeu vidéo en ligne inspiré d'univers
médiévaux et fantastiques ] et déteniez cette épée +5 ou
quoique ce soit d'autre. Vous n'avez aucune connaissance des éléments
nécessaires à sa fabrication. Vous connaissez juste ses capacités
et ses usages. Vous n'avez pas besoin des détails techniques. »
Le
programme américain de « cyberguerre pour tous ou presque »
a bénéficié de la contribution de designers débarqués d'Apple,
d'infographistes provenant de la saga cinématographique
Transformers, et de la société de data visualisation Frog
Design, autrefois impliquée dans la conception du baladeur Walkman
(Sony) et de l'ordinateur Apple 2C (Apple).
Source : Ghost In The Shell
La visualisation intuitive en temps réel des risques & menaces cybersécuritaires sera d'autant plus impérative du fait de l'expansion des intelligences artificielles dédiées au hacking et à la lutte informatique, a fortiori dans des environnements « d'informatique ubiquitaire ».
Dans
ce futur technologique aussi kafkaïen qu'inéluctable, les écrans
noirs, les lignes de code et les scripts relèveront d'un artisanat
en obsolescence accélérée pour les premières lignes
(surveillance, maintenance, réaction) de la cybersécurité /
cyberdéfense, mais seront probablement l'exclusivité d'une
arrière-garde de développeurs-programmeurs très qualifiés, très
créatifs et très versés dans les détails techniques.
En-deça
des milles et une merveilles de la cybersécurité « à la
Ghost In The Shell », il faut s'attendre à ce que les hackers
et le cybercrime organisé innovent sur des modes similaires ou
comparables, et développent également des solutions asymétriques
(ingénieuses pour les uns, sournoises pour les autres) de réalité
virtuelle / augmentée, de surcroît agrémentées d'intelligences
artificielles redoutablement efficaces. Pilule rouge ou pilule
bleue ?
En
savoir + :
- ProtectWise : A New Utility For Enterprise Security (ProtectWise)
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