jeudi 24 février 2022

Hélène Carrère d'Encausse : « Que veut Poutine ? » | Comprendre Le Monde – Pascal Boniface

La veille du déclenchement officiel de la guerre Russie-Ukraine, l'éminente historienne et russologue Héléne Carrère d'Encausse a été interviewée par Pascal Boniface – Comprendre Le Monde. Extraits.


« Le monde occidental a raté la fin de l'URSS. L'Europe aurait pu saisir cette opportunité pour construire un univers européen apaisé. Les Etats-Unis n'ont pas joué le jeu... Incontestablement. Ils n'ont pas accepté le maintien en Europe d'une puissance qui s'appellerait la Russie. La politique américaine a tendu à faire de la Russie un état étranger à l'Europe, une espèce de petit monstre européen qu'il fallait placer sous surveillance permanente. La Russie reste, pour l'Europe, un pays qui n'est pas normal. Ce que les Russes ressentent très durement. Poutine essaie de compenser cela en terme de puissance. La reconnaissance par la Russie des républiques de Lougansk et de Donetsk entraîne pour la Russie un surcroît de puissance théorique. L'Ukraine doit admettre que ces deux entités ne font plus partie de son territoire. »


mardi 22 février 2022

Antoine Glaser : "L'échec cuisant d'Emmanuel Macron en Afrique" (TV5)

Antoine Glaser a été le fondateur et rédacteur-en-chef durant 26 ans de La Lettre du Continent (bimensuelle consacrée à l'Afrique) et directeur de la revue Africa Intelligence. Auteur de "Le Piège africain de Macron" (Fayard, 2021), il analyse la fin de l'opération militaire Barkhane sur le plateau de Patrick Simonin / TV5 Monde. Extraits.


« Les militaires disent en off qu'ils se sont laissés embarquer dans une sorte d'euphorie et qu'ils n'auraient jamais du faire [l'opération] Barkhane après [l'opération] Serval [...] Maintenir une telle présence, avec une armée conventionnelle à l'ancienne très lourde, avec des problèmes de logistique et surtout avec ces convois de drapeaux français, cela ne correspondait plus du tout à la période dans laquelle nous sommes... avec un retour de l'impensé pour les jeunes Africains qui ont l'impression de vivre la période de la guerre froide, de la Françafrique des années 80 [...] Le problème de fond n'est pas seulement la lutte anti-terroriste. Les djihadistes ont déjà en partie gagné et ont fait fuir tous les Occidentaux de la Mauritanie au Soudan. Les problèmes de fond sont des problèmes socioéconomiques, des problèmes de territoires. Lorsque nous parlons de Mali et de Burkina-Faso, nous parlons des capitales. Mais les espaces ruraux sont aux mains des djihadistes, des groupes armés et de trafics en tout genre. De fait, Barkhane s'est trouvée hors-sol par rapport aux réalités du terrain [...] En plus, il y a l'Algérie qui joue son propre jeu dans ce qu'elle considère comme sa profondeur stratégique, qui a des relations avec le Groupe de Soutien à l'Islam et aux Musulmans (GSIM) toujours à la frontière entre l'Algérie et le nord du Mali. Et puis, la junte malienne a commencé à négocier avec le GSIM au moment de la libération de Sophie Pétronin et des prêtres italiens. Pour Macron, c'était un vrai fil rouge. La France refusait que la junte malienne négocie avec le GSIM. »